L'instant décisif

De l’instant, il ne reste souvent que peu de choses, trois fois rien, rien. Comme le parfum de cette femme à jamais perdue
au coin d’une rue ou cet oiseau qui picore dans le givre :
un trip dans un coin bien barré de notre cervelle du fond, le truc qu’on appelle le sub.
Alors, le sub, le subliminal, le sublime, le substrat de l’instant, on arrive parfois à le capter, par le plus grand des hasards ou
parce qu’il a peut-être décidé de se montrer à nous, pauvres voyageurs au pays des merveilles, avec notre petite lorgnette à cliquer.

Poètes en goguette. On cherche THE moment. Le frottement de deux mondes qui ne devaient pas se croiser, l’improbable, l’inespéré.
Un peu comme la théorie des cordes des astrophysiciens, tu sais, les cordes qui se croisent
(peut-être même qu’elles se nouent, ces fichues cordes).
Ben là, pour les photographes, c’est le même trip, faut en trouver, des instants décisifs, de la fulgurance,
des cordes visuelles qui se croisent.
Un peu comme deux astéroïdes qui s’entrechoquent, que t’en boufferais toutes les petites miettes avec ton capteur.

Et puis là, quand tu développes ton image, t’en as plein les yeux, de cet instant décisif, que t’avais peut-être même pas vu
quand t’avais appuyé sur le bouton ! La petite abeille qui s’est posée sur une épaule, le rayon de soleil qui s’étale dans les cheveux
de ta copine, la petite flaque qui renvoi le regard du ciel dans ton objectif.

Les mondes se chevauchent, comme une grosse orgie à la vie.
Et toi, photographe, et ben tu les cherches, ces amants de l’instant,
ces petites merveilles du moment qui te font dire, que oui, parfois la vie est belle et bien facétieuse.

Florence T.